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VERLAINE, Paul

Poèmes saturniens

Paris, Alphonse Lemerre, 186-

L’UN DES PLUS BEAUX EXEMPLAIRES DE POÉSIE QUE L’ON PUISSE IMAGINER :

ENVOI DE PAUL VERLAINE À STÉPHANE MALLARMÉ.

D’UN POÈTE MAUDIT L’AUTRE.

EXEMPLAIRE BROCHÉ

ÉDITION ORIGINALE

In-12 (181 x 115mm)
COLLATION : 3 ff. blancs, faux-titre, titre, épigraphe en vers, [1]- 163 pages, 1 p.n.ch., achevé d’imprimer
TIRAGE : un des 491 exemplaire sur papier vélin (selon Carteret)
ENVOI autographe signé, à l’encre brune :

À Monsieur Stéphane Mallarmé,
hommage de sympathique confraternité.
P. Verlaine

BROCHÉ, couverture jaune avec vignette d’Alphonse Lemerre. Chemise-étui signée de Leca
PROVENANCE : Auguste Lambiotte (1862-1920 ; Paris, 10 décembre 1976, n° 92)

Petit manque au premier plat de la couverture, charnière fendue

Paul Verlaine a vingt-deux ans et Stéphane Mallarmé vingt-quatre, en 1866, quand paraissent les Poèmes saturniens. Aucun des deux n’a encore publié de livre. Quelques-uns de leurs poèmes ont paru, quelques semaines plus tôt, dans le Parnasse contemporain qui vient d’être créé et que dirige Alphonse Lemerre. S’y côtoient poètes de la vieille et de la jeune génération : on trouve quinze poèmes de Baudelaire dontLe Jet d’eau et Recueillement, dix de Mallarmé dont Les Fenêtres, Le Sonneur, L’Azur, Brise marine (ils ne paraîtront que vingt ans plus tard dans Les Poésies photolithographiées) et sept de Verlaine dont Mon rêve familier. Si le Parnasse contemporain réunit l’avant-garde littéraire de la fin des années 1860, on se souvient cependant que Rimbaud s’en verra refuser l’accès en mai 1870. Mallarmé et Verlaine, en 1866, ont donc découvert leurs poèmes respectifs dans les premières livraisons de cette revue avant de se connaître.

Mallarmé, en octobre 1866, doit péniblement prendre ses fonctions de professeur d’anglais à Besançon, après trois années passées à Tournon. Verlaine lui adresse son livre, avec une lettre, le 22 novembre :

“Permettez moi… de vous adresser ce premier volume… J’ose espérer que ces essais vous intéresseront et
que vous y reconnaîtrez, sinon le moindre talent, du moins un effort vers l’Expression, vers la Sensation
rendue.” (Correspondance, p. 99)

Cette formule, la “Sensation rendue” sera “à tout jamais associée à la poésie verlainienne” (Henri Mondor). Verlaine et Mallarmé se sont “reconnus” dans le souci de peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit. À l’automne 1866, quand il reçoit cette lettre, Mallarmé traverse une “crise du vers” qui le conduira, après plusieurs années, à renouveler sa poétique. Sa lecture de Verlaine intervient au moment de cette remise en question. Il répond le 20 décembre 1866 à Verlaine, qualifiant sa poésie de “métal vierge et neuf” :

“Monsieur et cher poète. Permettez-moi de voir dans l’attention exquise que vous avez eue de m’envoyer votre volume, sans me connaître, autant qu’une sympathie littéraire, le pressentiment merveilleux d’une amitié ignorée. Vous êtes venu au devant d’un vœu de vous presser la main, que j’avais formé après la lecture de vos vers, dans le Parnasse. Je vous remercie doublement - et bien plus ! car ces Poèmes saturniens m’ont sauvé pendant quelques jours de l’ineptie où me tiennent les tracas d’une installation, et relevé des hontes de la réalité… je vous dirai avec quel bonheur j’ai vu que de toutes les vieilles formes, semblables à des favorites usées, que les poètes héritent les uns des autres, vous avez cru devoir commencer par forger un métal vierge et neuf, de belles lames, à vous, plutôt que de continuer à fouiller ces ciselures effacées, laissant leur ancien et vague aspect aux choses.” (Correspondance, p. 103. Nous soulignons)

Mallarmé n’a pas seulement lu les pages de son exemplaire des Poèmes saturniens. Il en a retenu par cœur les poèmes :

“À présent je n’aurais que le courage de vous réciter tous les vers que je sais par cœur des Poëmes saturniens aimant mieux, tant que je suis hors de moi, encore, me suspendre à la volupté qu’ils me donnent, que de l’expliquer”. (Cette lettre a été présentée à la vente à Paris, le 15 mai 2012, €120.750 avec les frais).

L’envoi de cet exemplaire inaugure une amitié qui ne s’arrêtera qu’à la mort de Verlaine, en 1896. Leur correspondance fut un temps en quasi-totalité conservée par Henri Mondor, grand spécialiste de Stéphane de Mallarmé. Dix-huit ans après cet envoi des Poèmes saturniens, Verlaine consacrera un des trois premiers portraits des Poètes maudits (1884) à Stéphane Mallarmé :

“il se moquait de tout pour plaire aux délicats, dont il était, lui, le plus difficile.”

Quatre ans plus tard, en 1888, Verlaine lui-même intégrera le groupe des Poètes maudits sous l’anagramme de Pauvre Lélian. Cet envoi, sur le premier recueil de poèmes que publia Verlaine réunit donc deux poètes maudits. Quel autre envoi d’un poète maudit à l’autre - et de cette importance - peut-on espérer un jour retrouver (hormis celui, connu, de Rimbaud à Verlaine) ?

À la mort de Verlaine, Mallarmé prend soin de sa gloire. Il participe à toutes les cérémonies commémoratives. Lors des funérailles, le 10 janvier 1896, il tient les cordons du poële. En mai 1896, il préside un comité qui se charge de réunir les fonds nécessaires à l’inauguration d’une statue toujours visible au Jardin du Luxembourg. Enfn, ultime hommage, dans le numéro du 1er janvier 1897 de la, il publie un “tombeau” de Verlaine, sous la forme d’un sonnet.

BIBLIOGRAPHIE : 

Clouzot, p. 266 -- Carteret, II, 413 -- Vicaire, VII, 989 -- Michael Pakenham. Paul Verlaine. Correspondance générale, I, 1857-1885 -- Henri Mondor, L'Amitié de Verlaine et Mallarmé, Paris, 1939, p. 103