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Recueil des Lettres de Madame la marquise de Sévigné à Madame la comtesse de Grignan, sa fille
L’EXEMPLAIRE DE BERNARD MALLE DES LETTRES DE MADAME DE SÉVIGNÉ PUBLIÉES PAR LE CHEVALIER DE PERRIN SUR INSTRUCTION DE PAULINE DE SIMIANE, PETITE-FILLE DE LA MARQUISE.
L’EXEMPLAIRE D’UNE FEMME LISANT L’ÉCRITURE D’UNE FEMME : CELUI DE LA DUCHESSE DE MONTMORENCY-BOUTEVILLE.
LE SEUL EXEMPLAIRE À PROVENANCE FÉMININE AUJOURD’HUI CONNU
ÉDITION EN GRANDE PARTIE ORIGINALE donnée par Denis-Marius chevalier de Perrin (1682-1754), ami de Pauline de Simiane (1674-1737), petite-fille de la marquise de Sévigné. Elle contient 614 lettres. Avec des titres de relais à la date de 1735 : “édition très importante, EN GRANDE PARTIE ORIGINALE (...) les quatre premiers tomes ont eu des titres réimprimés à la date de 1735” (Tchemerzine-Scheler)
6 volumes in-12 (165 x 92mm). Bandeaux et lettrines, fleurons et culs-de-lampe gravés sur bois
COLLATION : (vol. I) : π1 a8 b-c4 A-Y8.4 Z82A-O4.82P2 ; (vol. II) : π1 A-Y8.4 Z82A-S4.82R42S2 ; (vol. III) : π1 A-Y8.4 Z82A-Q4.8 R4 χ1 ; (vol. IV) : π1 A-Y8.4 Z82A-Q4.8 R4 ; (vol. V) : π1 a6 A-Y8.4 Z82A-S4.82R-S4 ; (vol. VI) : A-Y8.4 Z42A-Y4.8, le dernier feuillet est blanc
ILLUSTRATION : portraits de la marquise de Sévigné gravé par Jacques Chéreau et de la comtesse de Grignan gravé par Petit placés en frontispice des t. I et V
RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau porphyre légèrement glacé, encadrement d’un filet gras autour des plats, dos à nerfs avec titres dorés et la mention en queue du dos “Mde la duchesse de Bouteville”, tranches dorées
PROVENANCE : Anne-Angélique de Harlus de Vertilly (1700-1769), duchesse de Bouteville par son mariage avec Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg (1697-1785), 2e duc de Châtillon et duc de Bouteville (cf. Guigard, Nouvel armorial du bibliophile, I, p. 186, qui signale l’existence d’un État des livres du cabinet de feue Mme la duchesse de Bouteville publié à Paris chez Mérigot en 1769 et dont nous n’avons pu trouver trace). Elle est ainsi la petite-fille du “Tapissier de Notre-Dame” : François Henri de Montmorency (1628-1695), duc de Luxembourg et de Piney, Maréchal de France, et l’arrière-petite-fille de François de Montmorency (1599-1627), seigneur de Bouteville et comte de Luxe, décapité en place de Grève le 22 juin 1627 pour avoir enfreint la loi de Richelieu sur le duel -- Michel de Bry (1890-1970 : ex-libris, sa vente, Paris, 6 décembre 1966, n° 195) -- Bernard Malle (cachet à l’encre à la fin du volume I)
Les éditions dites “du chevalier de Perrin” des Lettres de madame de Sévigné paraissent en deux blocs : celui de 1734-1737 (ou, comme ici, avec titre de relais de 1735 pour 1734) et celui de 1754. Ce sont des éditions officielles constituées par Perrin à l’instigation de Pauline de Grignan (1674-1737), marquise de Simiane, petite-fille de la marquise des Rochers. La première édition propose 614 lettres, toutes adressées à Madame de Grignan ; la seconde en ajoute d’autres, adressées aux correspondants extérieurs, pour atteindre un total de 772 lettres. On est de toutes façons loin des 1373 lettres aujourd’hui connues remarquablement publiées par Roger Duchêne dans l’édition de la Pléiade à partir du manuscrit Capmas redécouvert en 1873 et grâce aux multiples recoupements des multiples versions auxquels l’éditeur sut procéder.
Les premières lettres furent publiées en 1697, après la mort de la marquise en 1693. Ce sont celles adressées au cousin chéri, Roger de Bussy-Rabutin, cinq mois après sa mort en 1696, d’abord dans les Mémoires de messire Roger de Rabutin, comte de Bussy, puis, au début de 1697, dans Les Lettres de messire Roger de Rabutin, comte de Bussy, en quatre volumes (Paris, 1697-1698). Trois éditions furtives et pirates, c’est-à-dire faites sur des copies sans l’autorisation des descendants de la marquise, publient quelques-unes de ses lettres à sa fille. Vingt-huit lettres et extraits lacunaires voient le jour à Troyes en 1725 : Lettres choisies de Mme la marquise de Sévigné à Mme de Grignan. Édition dite d’essai dont il ne subsiste qu’une poignée d’exemplaires. Une “seconde édition originale” en cent trente-huit lettres est publiée à Rouen en 1726 par Nicolas-Claude Thiriot (1697-1772), ami et correspondant de Voltaire. La même année 1726 se trouve publié à La Haye deux volumes contenant cent soixante-dix-sept lettres de la marquise de Sévigné à sa fille, soit trente-neuf lettres de plus que la précédente. Toutes ces micro éditions sont importantes car elles présentent une langue savoureuse et véritable, avant les émondements de style et de pensées auxquels la marquise de Simiane et Perrin vont procéder, masquant le jansénisme pourtant assez tempéré de la marquise. Sa prose, dans ces éditions non officielles, est dénuée de censure morale. Mais, malgré ses transformations du texte, l’édition du chevalier de Perrin n’en ouvre pas moins en grand la porte de la gloire à l’épistolière, qui devient ainsi l’un des incontournables chefs-d’œuvre de la littérature française.
Le commentaire de Michel de Bry lors de la vente de cet exemplaire en 1966 fait comprendre l’émotion qui étreignait alors un bibliophile ardent :
“Le compartiment inférieur de chaque dos porte en petites capitales dorées le nom de la duchesse de Bouteville, femme de Charles de Montmorency-Luxembourg, duc de Bouteville, descendant des Montmorency (alliés en Bretagne à la famille de Sévigné). Le comte François de Montmorency-Bouteville, condamné à mort après son fameux duel du dimanche de Pâques 1624 en compagnie du baron Celse de Rabutin-Chantal, père de Mme de Sévigné, comte de Pontgibaud et des Salles, finit décapité en place de Grève le 21 juin 1627, après avoir tenu le pari de se battre en duel place Royale, en présence de Rabutin-Chantal qui l’aida dans sa fuite.
Bouteville eut un fils posthume : François Henri de Montmorency, comte de Bouteville, Maréchal de France, le “Tapissier de Notre-Dame” qui figure avec M. de Grignan dans la promotion de l’ordre du Saint-Esprit du 1er janvier 1689 illustrée par Mme de Sévigné dans sa fameuse “lettre des chevaliers”.
Quel nom plus évocateur peut-on souhaiter sur un exemplaire des lettres de Mme de Sévigné ? Il évoque des liens de famille à la mode de Bretagne, d’épiques combats, cette chaleur du sang des Rabutin-Chantal si souvent évoqués dans les lettres de la marquise des Rochers.”
Cette émotion n’a guère cours aujourd’hui même si on peut encore lui prêter attention. L’intérêt premier de cet exemplaire à provenance remarquable est d’attester de la lecture de la prose d’une femme par une femme et d’être sans doute le seul à proposer un tel lien.
On connaît plusieurs exemplaires importants des Lettres de madame de Sévigné. D’abord celui des anciennes collections de William Beckford, Destailleurs, Parran, Lebeuf de Montgermont, de la librairie Pierre Berès puis de la collection de Pierre Bergé : une édition tardive de 1774-1775 en 9 volumes in-8 reliés en maroquin rouge aux armes décoratives de la marquise de Sévigné. C’est un superbe exemplaire de témoignage puisqu’à cette date Marie de Rabutin-Chantal est enterrée à Grignan depuis près de quatre-vingts ans (Pierre Bergé, I, 11 décembre 2015, n° 45, €45.000 sans les frais). Puis l’exemplaire de la BnF qui présente comme le nôtre ces six volumes mais reliés classiquement en maroquin rouge aux armes royales. Et enfin, celui de la collection Jean A. Bonna. Il ajoute le Recueil de lettres choisies publié en deux volumes en 1751 qui propose vingt-cinq autres lettres. L’exemplaire est relié en maroquin bleu à décor par “deux ateliers” différents. Il a figuré au Bulletin de la librairie Pierre Berès dans le n° 24 du 25 avril 1960. Les différents catalogues de la collection Jacques Guérin ne présentaient aucun exemplaire des Lettres de madame de Sévigné.
V. de Diesbach, Cat. Jean A. Bonna. Six siècles de littérature française. XVIIe siècle. Deuxième partie. Genève, 2010, n° 298, pp. 157-158 -- A. Tchemerzine, Bibliographie d’éditions originales et rares d'auteurs français, V, p. 822, qui ne cite aucun exemplaire