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Les Œuvres
FAMEUSE PREMIÈRE ÉDITION COLLECTIVE DES ŒUVRES, PUBLIÉE DU VIVANT DE MOLIÈRE.
ILLUSTRÉE DE DEUX FRONTISPICES GRAVÉS DE FRANÇOIS CHAUVEAU, REPRÉSENTANT MOLIÈRE DANS LES RÔLES DE MASCARILLE, SGANARELLE ET ARNOLPHE.
L’UN DES TRÈS RARES EXEMPLAIRES EN RELIURES DE L’ÉPOQUE.
ANCIENNE COLLECTION DE MAURICE GOUDEKET
PREMIÈRE ÉDITION COLLECTIVE, avec pagination continue
2 volumes in-12 (146 x 88 mm). Fleurons gravés sur bois aux pages de titre, bandeaux et culs-de-lampe gravés sur bois
COLLATION : tome 1 : A-Q12 R6 (A9, D10, G11 et N2 blancs) : 393 pp. ; tome 2 : A-V12 (D3, G5, L11 et O8 blancs ; V5 signé par erreur T5) : 480 pp.
CONTENU : t. 1 : A1v : frontispice, A2r : titre, A2v : table, A3r : Remerciement au Roy, A5r : Les Précieuses ridicules, D4r : Sganarelle ou le Cocu imaginaire, G7r : L’Estourdy ou les contre-temps, M11r : Dépit amoureux, R5v : privilège ; t. 2 : A1v : frontispice, A2r : titre, A2v : table, A3r : Les Fascheux, C12r : L’Escole des maris, G1r : L’Escole des femmes, L8r : La Critique de l’Escole des femmes, O9r : Les Plaisirs de l’Isle enchantée
ILLUSTRATION : titre-frontispice gravé par François Chauveau dans chaque volume. Celui du premier représente Molière dans les rôles de Mascarille et de Sganarelle, celui du second montre deux acteurs couronnés par Thalie, muse qui préside à la comédie : Molière jouant Arnolphe dans L'École des femmes et, probablement, Armande Béjart, sa femme, ou Mlle de Brie, dans le rôle d'Agnès
RELIURES DE L’ÉPOQUE. Veau brun, dos à nerfs ornés et dorés, tranches jaspées
PROVENANCE : R. Müller (signature manuscrite ancienne sur les pages de titre) -- Maurice Goudeket (Paris, 1961, n° 26, 22.500 FF)
Les éditions collectives de Molière, ou de tout autre auteur du XVIIe siècle, ont pour but principal de fixer une fois pour toutes le texte de l’œuvre, ce que les éditions originales des pièces, la plupart du temps fautives, ne permettent pas. Par cette dernière version du texte matérialisée dans le marbre de la “collective”, l’œuvre existe. Le “grand écrivain” naît avec son édition collective. Car la littérature et le travail de lecture effectué par la postérité ne peuvent se faire sans l’édition collective, dans la matière propre d’une langue maintenant devenue parfaite et maîtrisée. Par conséquent, la bibliographie et la bibliophilie doivent en comprendre l’importance. Une collection littéraire construite sur, disons, le modèle de Charles Hayoit, où ne figure aucune édition collective pour Molière comme pour Racine, ressemble fort, du point de vue des textes et de leur histoire, à une abstraction dogmatique. Si Sacha Guitry ne possédait pas de Molière de 1666, il avait néanmoins une collective de 1674-1675, malheureusement reliée par Maylander.
Les premiers mois de l’année 1666 sont une “mauvaise saison” pour Molière, selon l’heureuse expression de Roger Duchêne. Sa mère meurt le 20 janvier. Le “dieu du ris” est lui-même, dans les premiers mois de 1666, atteint d’une grave maladie, qui se double pour longtemps sans doute d’une forme de dépression. On continue à ne pas lui laisser le droit de jouer son Tartuffe malgré la représentation confidentielle du 8 novembre 1665 devant le Grand Condé et on lui a retiré Dom Juan après deux mois au Palais-Royal. Mais à partir de mars 1666, date de publication de cette édition collective, l’œuvre de Molière change de statut :
“À défaut de grand succès au théâtre, Molière a des satisfactions d’auteur. En 1665, on imprime ou on réimprime plusieurs de ses pièces. En mars 1666, on publie la première édition collective originale de ses Œuvres. [… ] On reprend certains de ses textes dans ces recueils collectifs dont il s’était moqué dans Les Précieuses ridicules.” (Roger Duchêne)
La publication de cette “première édition collective originale” marque donc une césure dans la carrière de Molière auteur. “L’édition de 1666 est considérée à juste titre comme la première édition collective des Œuvres de Molière. Elle forme un tout homogène” (Guibert). Elle fut précédée par des “recueils factices, tous différents, formés par des libraires qui conservaient encore quelques pièces en magasin et qu’ils réunissaient sous un titre à leur nom” (Tchemerzine). Pour cette édition de 1666, Gabriel Quinet reçut un privilège le 6 mars de cette même année, qu’il partagea avec sept autres libraires, dont Charles de Sercy et Louis Billaine. Le privilège général que Molière reçut le 18 mars 1671 pour son projet d’édition collective, celle de 1673 publiée après sa mort, précise que “plusieurs desdites pièces ont été réimprimées en vertu de Lettres obtenues par surprise”. En 1666, la durée du privilège de certaines pièces avait expiré. Aussi le groupe de libraires parisiens avait-il sollicité le privilège du 6 mars 1666 : “cela ne signifie pas que Molière fut tenu complètement dans l’ignorance des intentions des éditeurs. Il est même probable que Gabriel Quinet [… ] demanda à l’auteur de participer à l’édition” : d’où, sans doute, la qualité du texte corrigé et la présence des remarquables frontispices gravés représentant Molière. Les quelques fautes de texte subsistantes dans l’édition de 1666 se retrouvent intégralement dans l’édition “revue par l’auteur” de 1673 comme dans celle de 1682.
Cette édition collective de 1666 est relativement rare : “on en connaît une vingtaine d’exemplaires” (cat. Jean Bonna) et Alain Riffaud en recense vingt-cinq, mais pas celui-ci. Sur les quarante dernières années, aucun des sites internet de prix de vente aux enchères ne répertorie d’exemplaire en reliure de l’époque. Sur RBH et la Gazette de Drouot, une poignée de six ou sept exemplaires est passée en vente, tous plus ou moins bien reliés au XIXe siècle.
Édouard Rahir faisait remarquer en 1922 que “Molière est, avec La Fontaine, l’écrivain français dont les œuvres ont été le plus régulièrement et le plus souvent réimprimées”. Dans cet article du Bulletin du bibliophile, Rahir faisait l’histoire de la collection de Molière. Il remarquait les premières apparitions d’éditions originales des pièces chez la comtesse de Verrue et la marquise de Pompadour (vendues en un seul lot de vingt-six pièces – avec les Précieuses – sans aucune précision de reliure) avant qu’elles ne deviennent plus régulièrement présentes chez Mme de Montesson, de Pont de Vesle et chez le duc de La Vallière. Puis, il assignait comme origine à la vogue des éditions originales de Molière au XIXe siècle, les travaux et influences intellectuelles de Victor Cousin et Jules-Antoine Taschereau (1801-1874 ; administrateur général de la BnF et auteur d’une Histoire de la vie et des ouvrages de Molière). La vogue aidant, bon nombre d’exemplaires de cette édition collective, déjà naturellement rare, ont donc été constitués au XIXe siècle.
“Quoique très incomplète, et quoique le texte n'ait probablement pas été revu par l'auteur, puisque les arguments du Sganarelle ont été conservés, cette première édition est digne de passionner les bibliophiles [… ] On ne voit pas figurer cette édition dans les anciens catalogues. Au XIXe siècle, on a recueilli le plus souvent séparément tel ou tel tome dans de mauvaises reliures délabrées. On les a fait laver, bien relier et on peut estimer qu'une trentaine d'exemplaires ont été ainsi sauvés. Depuis longtemps on ne trouve plus guère de ces volumes isolés. Les grandes bibliothèques renferment généralement ces deux volumes. L'exemplaire qui a atteint le plus haut prix est celui richement relié par Trautz, qui a figuré en 1876 à la vente L. de M. (Montgermont), adjugé 5.700 francs. Nous ne pouvons citer un seul exemplaire de cette édition dans une bonne reliure ancienne” (Édouard Rahir).
Guibert, II, pp. 564-568 -- Tchemerzine, IV, p. 820 -- Lacroix, n° 267 -- Brunet, III, col. 1794-1795 -- V. de Diesbach, Six siècles de littérature française. XVIIe siècle, II, n° 198 -- E. Rahir, “Molière à la Comédie Française et chez les bibliophiles”, Bulletin du bibliophile, 1922, pp. 11-23 -- R. Duchêne, Molière, Paris, 1998, pp. 449-456 -- G. Forestier, Molière, Paris, 2018,
WEBOGRAPHIE : A. Riffaud, https://repertoiretheatreimprime.yale.edu/, n° 6646, qui cite vingt-cinq exemplaires, dont vingt-trois dans des collections publiques et deux dans des collections privées. Le présent exemplaire n’est pas cité