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AUBRY de SAINT-VIBERT, Charles-Louis

Les Terriers rendus perpétuels ou mécanisme de leur confection. Ouvrage utile à tous, Propriétaires de Terres ou Fiefs, à tous Notaires, Géomètres, Féodistes, et autres enfin qui se destinent à la Partie des Terriers

Paris, Chez Mr. Aubry de St Vibert, rue des Blancs-Manteaux, n° 37, 1787

L’ANCIEN RÉGIME ET LA RÉVOLUTION : LA GÉOGRAPHIE ET LES ARCHIVES SERVENT À FAIRE PAYER LES PAYSANS.

BEL EXEMPLAIRE D’UN OUVRAGE QUI DRESSE LE PORTRAIT DE LA FRANCE RURALE À LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION.

L’UNE DES SOURCES DE GRACCHUS BABEUF, GÉOMÈTRE-ARPENTEUR ET GRAND PRÉCURSEUR DU COMMUNISME, SELON MARX ET ENGELS

ÉDITION ORIGINALE ET UNIQUE, bien complète de ses onze parties et de son Résumé conclusif

11 parties en 2 volumes in-folio (439 x 285mm). Vignette gravée aux instruments de géographie et d’arpentage sur chacune des pages de titre

COLLATION et CONTENU, les parties se font suite d’un volume à l’autre : [2] ff. de titres gravés, avec au vol. 1 : avertissement, I-X pp. d'introduction, puis paginations multiples :

N° I. Inventaire perpétuel des titres (1-9 pp.), avec comme exemple (vol. 2) Inventaire perpétuel des titres de la terre et seigneurie du Moncel (titre de relais gravé, et pp. 11-28) ;

N° II. Atlas radical (1-6 pp.), avec comme exemples (vol. 2) Atlas radical de la terre et seigneurie du Moncel (titre de relais gravé par Beaublé, un f. n. ch., et 2 cartes gravées à double page aux contours rehaussés de couleurs, la seconde carte est mal reliée et placée après la troisième), puis Atlas radical de la terre et seigneurie de la Mabilière, (titre de relais gravé par Beaublé, un f. n. ch. et une carte à double page rehaussée de couleurs, suit ici la seconde carte) ;

N° III. Indication radicale (1-8 pp.), avec comme exemples (vol. 2), Indication radicale de la terre et seigneurie du Moncel, (titre gravé), puis un second titre gravé Indication radicale ([3] ff. n. ch. dont titre de relais gravé et tableaux), et Indication radicale de la terre et seigneurie de la Mabilière (titre de relais gravé, 4 tableaux sur [2] ff. n. ch.) ;

N° IV. Terrier radical (1-43 pp.), avec des figures dans le texte, dont une carte imprimée dans le texte aux contours rehaussés de couleurs, avec comme exemples (vol. 2) Terrier radical de la terre et seigneurie du Moncel (titre de relais, pp. 45-68, avec une carte en couleurs), et Terrier radical de la terre et seigneurie de La Mabilière (titre de relais gravé, pp. 69-74) ;

N° V. Cueilloir perpétuel (1-11 pp.), avec comme exemples (vol. 2) Cueilloir perpétuel de la terre et seigneurie du Moncel (titre de relais gravé, [9] ff. n. ch. de tableaux gravés), et Cueilloir perpétuel de la terre et seigneurie de la Mabilière (titre de relais gravé, [19] ff. n. ch. de tableaux gravés, le dernier se terminant sur la formule « ainsi du reste ») ;

N° VI. Atlas perpétuel (1-13 pp., avec des figures et diagrammes gravés dans le texte), et comme exemples (vol. 2) Atlas perpétuel de la terre et seigneurie du Moncel (titre de relais gravé par Dubuisson, une carte à double page en noir), et Atlas perpétuel de la terre et seigneurie de la Mabilière (titre de relais gravé par Dubuisson, une carte à double page en noir) ;

N° VII. Du Livre des saisines (1-7 pp.), avec comme exemples (vol. 2) Livre des saisines de la terre et seigneurie du Moncel (un f. de titre gravé, pp. 9-14), et Livre des saisines de la terre et seigneurie de la Mabilière (titre gravé et 3 pp.) ;

N° VIII. Indication perpétuelle (1-8 pp.), avec comme exemples (vol. 2) Indication perpétuelle de la terre et seigneurie de Moncel (titre de relais gravé, 1 f. n. ch. avec 2 tableaux gravés, 1-4 pp. de “Notes explicatives”), et Indication perpétuelle de la terre et seigneurie de la Mabilière (titre de relais gravé, 1 f. n. ch. avec 2 tableaux gravés, 1 pp. de “Notes explicatives”) ;

N° IX. Terrier perpétuel, (1-9 pp) avec comme exemple (vol. 2) Terrier perpétuel de la terre et seigneurie du Moncel (titre gravé, (pp. 11-20 mais avec deux fois les pp. 18-19 soit 22 pp. en tout), puis Terrier perpétuel de la terre et seigneurie de la Mabilière (un titre gravé, pp. 1-6) ;

N° X : Livre de recette (1-14 pp.), avec comme exemple (au vol. 2) Livre de recette de la terre et seigneurie du Moncel (titre gravé, 5 pp. sur 4 f. n. ch. de tableaux) ;

Petit manque de papier sans atteinte au texte dans la marge extérieure de deux feuillets, infime galerie de vers en haut de la page de titre du vol. 2

Sous l’Ancien Régime, Charles-Louis Aubry de Saint-Vibert (1747-1817) fut à la fois géomètre et feudiste. Par feudisme, on entend ce juriste, nommé par un seigneur pour examiner et cartographier le recouvrement de ses droits seigneuriaux. Après la chute de la royauté, Aubry de Saint-Vibert devint économiste, libraire, débiteur de cartes géographiques et de livres en tous genres, auteur du Magazin du bibliophile. Son frère, Pierre-François Aubry du Bochet (1737-1800) fut député du Tiers en 1789. Il milita pour la création d’un cadastre général pour la France, participa activement aux discussions financières de l’Assemblée comme à celles sur le découpage de la France en départements. Tous deux appartenaient à une famille de feudistes de La Ferté-Millon, apparentée à Jean Racine, dont ils étaient les arrières-petits-neveux.

Dès la première page, l’auteur définit son vocabulaire : “Le but d’un terrier est de rassembler en un seul point de vue tout ce qui concerne les droits d’une terre”. Mais Aubry de Saint-Vibert se propose surtout d’établir un modèle universel de composition des terriers. L’ouvrage s’articule en deux ensembles qui se font face : une partie théorique traite de droit, de classement des archives et d’arpentage, et une partie pratique prend pour exemple les seigneuries imaginaires du Moncel et de la Mabilière amplement cartographiées et mises en couleurs selon un code précis. Justifiant son ambition, l’auteur écrit ainsi dans son introduction : “il n’y a pas encore si longtemps que l’on fait de bons terriers, pour que les règles de cette profession aient pu être universellement adoptées (…) il n’y a pas encore trois générations que l’on fait des terriers avec plan”. L’ouvrage de référence, dépassé dès les années 1770, était La Pratique universelle pour la rénovation des terriers d’Edme de La Poix de Fréminville (1683-1773) publié deux fois en 1746 et 1757.

Cette lecture historique et géographique de la campagne française n’aurait que peu d’intérêt si elle n’était pas mise en perspective par la Révolution française. Sans aucun doute fruit indirect de la physiocratie ambiante, l’idée de rationaliser la capacité productive d’une seigneurie en liant histoire et arpentage dans la numérotation de chaque parcelle devait entraîner un accroissement de revenu pour le seigneur. Faire payer les paysans en accroissant la perception des funestes redevances seigneuriales fut bien l’une des ambitions de la réaction nobiliaire à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi l’ouvrage d’Aubry de Saint-Vibert doit se lire en pensant à Gracchus Babeuf, lui-même feudiste, arpenteur, géographe et archiviste dans les années 1780 : sa pratique du feudisme engendra sans doute sa prise de conscience d’une exploitation bien réelle. Il travailla durant ces années au “méchanisme des terriers”, exposé dans son rare Cadastre perpétuel publié en 1789, et qui entendait, dans le sillage d’Aubry de Saint-Vibert, rationaliser la gestion des fiefs des plus grands seigneurs du plateau picard, particulièrement ceux du marquis de Soyecourt à Tilloloy et du comte de Castéja à Framerville.

À lire ces deux grands volumes, l’archaïsme du monde rural est frappant. Il ne pouvait être emporté que par la Nuit du 4 août. Cet épisode célèbre de la Révolution n’abolissait pas les droits seigneuriaux. Il demandait leur rachat par les paysans qui devaient à nouveau, dans toute la France, produire leurs titres devant les commissaires à terriers, ouvrant sur de nombreuses violences et sur le saccage des archives féodales. Ce rachat fut lui-même abandonné par l’État dans le décret du 17 novembre 1793 émis par la Convention montagnarde. Il entraîna la disparition complète des terriers et autres feudistes, permettant à l’agriculture de prendre un véritable essor, si longtemps attendu.

BIBLIOGRAPHIE : 

Marc Bloch, “Les plans parcellaires”, Annales d’histoire économique et sociale, 1929, t. I, pp. 60-66 -- Albert Soboul, "De la pratique des terriers à la veille de la révolution", Annales. Économies, sociétés, civilisations. 1964, n°6, 1964 -- A. Pelletier, “Babeuf feudiste”, Annales historiques de la Révolution française, 1965, n° 179, pp. 29-65