Voyage autour du monde entrepris par ordre du Roi, sous le ministère et conformément aux instructions

Louis Claude de Saulces de Freycinet (1779-1842) participa à un premier voyage dans le Pacifique, dans les années 1800-1804, alors qu’il était âgé d’une vingtaine d’années : l'expédition du capitaine Nicholas Baudin, voulue par Napoléon et visant à explorer les côtes occidentales de la Nouvelle-Hollande (Australie), de la Terre de Van Dieman (Tasmanie), et de l’île de Timor. De retour en France, Freycinet est affecté au Dépôt des cartes et plans de la marine où il achève la partie historique de l'ouvrage commencé par le naturaliste François Péron, Voyage de découvertes aux terres australes 1800-1804.

En 1811, Freycinet est promu capitaine de frégate. En 1817, il est choisi pour diriger un voyage autour du monde à visée scientifique : à savoir, dresser de nouvelles cartes, étudier l’histoire naturelle, le magnétisme, la météorologie. Le retour des Bourbons sur le trône de France, qui souhaitent voir battre leur pavillon sur les océans, n’est pas étranger à ce projet. L'Uranie quitta Toulon en septembre 1817 avec à son bord cent vingt-six hommes dont le dessinateur et écrivain Jacques Arago (qui publiera son propre récit de l’expédition). Les principales escales furent Gibraltar, Tenerife, Rio de Janeiro, le cap de Bonne-Espérance, les Mascareignes (au large de l’île Bourbon), l'Australie occidentale, Timor, la Nouvelle-Guinée, les îles Marina, les îles Caroline, les îles Sandwich (Hawaï), la Nouvelle-Zélande et la Terre de Feu. L’Uranie fit naufrage sur un rocher des îles Malouines. Freycinet parvint à acheter un trois-mâts baleinier américain, le Mercury, qu’il rebaptisa La Physicienne. L’équipage rejoignit Montevideo, Rio et parvint au Havre. L’expédition de Freycinet dura trois ans et deux mois. Parmi les savants ayant participé au voyage, hormis Arago, se trouvait Louis Isidore Duperrey, qui servit comme second et hydrographe de marine. Il mènera deux ans plus tard sa propre expédition dans le Pacifique, de 1822 à 1825. Les médecins du bord, Quoy et Gaimard, et le pharmacien Gaudichaud firent office de naturalistes, collectant des spécimens et signant les volumes de zoologie et de botanique du Voyage autour du monde. La femme de Freycinet embarqua clandestinement à bord, et ne révéla son identité qu’après avoir passé Gibraltar. Freycinet donna son nom, Rose, à l’une des îles Samoa.

Le voyage de Freycinet fut un succès scientifique. L’exploration de l’île de Timor, de la Nouvelle-Guinée, des îles Marianne et Hawaï notamment, enrichirent considérablement la connaissance qu’avaient les Européens de ces terres si lointaines.

DARWIN : Charles Darwin connaissait bien les travaux hydrographiques de Freycinet, ainsi que l’atteste une lettre d’avril 1876 adressée à l’entomologiste Henry Walter Bates (1825-1892) : “I frequently refer to “Freycinet’s Hydrographical Memoir”, et à la question de V. Carus : “is this, Vol 8th of his Voyage autour du Monde… sur l’Uranie et la Physicienne  ?” Darwin répond : “I cannot remember, but rather think there is a separate Hydrographical work. by Freycinet”. La correspondance de Darwin mentionne également le botaniste Charles Gaudichaud-Beaupré qui participa à deux voyages : celui-ci, et, vingt ans plus tard, celui de Vaillant, à bord de La Bonite : “Gaudichaud (who is a good man, is he not ?)” (lettre de Charles Darwin à Joseph Dalton Hooker, 31 janvier 1846) ; lequel répond à Darwin, le lendemain : “Gaudichaud is a very good Physiologist, and a clever fellow, also a very nice man, but not a systematist, and I should not take his word for Volc. Insular floras being polymorphous”. On retrouve les volumes de texte et d’atlas du Freycinet dans la bibliothèque personnelle de Darwin.¹