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DUPAIX, Guillaume, et José Luciano CASTAÑEDA

Antiquités mexicaines. Relation des trois expéditions du colonel Dupaix, ordonnées en 1805, 1806 et 1807, pour la Recherche des Antiquités du pays

Paris, Bureau des Antiquités mexicaines, Imprimerie de Firmin-Didot, 1844

L'UN DES PLUS BEAUX LIVRES SUR LE MEXIQUE : MOMENT INAUGURAL DANS LA REDÉCOUVERTE DE SA CIVILISATION PERDUE.

EXEMPLAIRE DU COMTE DE CHAMBORD, HÉRITIER DU TRÔNE DE FRANCE, LUXUEUSEMENT COLORIÉ ET RELIÉ À L'ÉPOQUE.

ANCIENNE COLLECTION DE SIR ROBERT ABDY

ÉDITION ORIGINALE du texte de Dupaix et ÉDITION ORIGINALE de la Lettre aux auteurs de l'ouvrage des Antiquités mexicaines par François-René de Chateaubriand

Trois parties reliées en deux volumes in-folio (538 x 352mm)

ILLUSTRATION et COLLATION :

- volume de texte : 4 ff. n. ch. (faux-titre, titre, dédicace et attestation), pp. V à XIV, un f. n. ch. (lettre de Humboldt), un f. n. ch. (faux-titre première expédition), pp. 3 à 20), un f. n. ch. (faux-titre deuxième expédition), pp. 3 à 56, un f. n. ch. (faux-titre troisième expédition), pp. 3 à 40,), un f. n. ch. (faux-titre. Notes et documents divers), pp. 3 à 88 et 2 ff. n. ch. de table, 2 ff. n. ch. (faux-titre et titre Parallèle des anciens monuments mexicains avec ceux de l’Egypte, de l’Inde), pp. 5 à 82, 2 ff. n. ch. (faux-titre et titre Recherches sur les Antiquités de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud), pp. 5 à 224, 2 ff. n. ch. (table)

- volume de planches : faux-titre, frontispice, un f. n. ch. (faux titre première expédition), 32 pl. num. I à XXXII, deux ff. n. ch. (faux-titres deuxième expédition), 69 pl. num. I à LXIX – la pl. LXVI est mal ch. LVIII), deux ff. n. ch. (faux-titres troisième expédition), 46 pl. num. I à XLVI – les pl. XLII, XLIII et XLV sont sur le même feuillet, 2 ff. n. ch. (planches supplémentaires) et 9 pl. num. I à IX, 10 pl. num. I à X – les pl. I et II sont sur le même feuillet, ainsi que les pl. V, VI, VII et VIII, 2 ff. n. ch. (table), une carte sur un feuillet volant.

Soit, AU TOTAL, UN FRONTISPICE, UNE CARTE ET 166 PLANCHES dessinées par José Luciano Castenada, gravées par Godefroy Engelmann puis Thierry, TOUTES REHAUSSÉES D'UN BRILLANT COLORIS À L'ÉPOQUE

RELIURES DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, encadrement de filets dorés et estampés à froid, dos à nerfs ornés, non rognés

PROVENANCE : Henri d’Artois (1820 - 1883), comte de Chambord, prétendant au trône de France (étiquette de la librairie Maggs mentionnant cette acquisition) -- Librairie Maggs -- Sir Robert Abdy (ex-libris)

Guillaume Dupaix (ou Du Paix) fut l’un des premiers européens à observer, décrire et illustrer les sites archéologiques et les artefacts du Chiapas, de l’Oaxaca et du Yucatán. Il était né dans le Saint Empire, à Vielsam près de Luxembourg, vers 1750, et mourut en 1818. Il servait comme capitaine dans le régiment de dragons d’Almansa, au service du roi d’Espagne, lorsqu’il arriva à Mexico en 1791. Durant les années 1805 et 1808, il dirigea trois expéditions royales dont le but était de décrire scientifiquement les sites archéologiques mexicains. Ses investigations s'avérèrent pionnières dans la redécouverte des cultures amérindiennes.

Souhaitant évaluer les richesses naturelles et patrimoniales des terres mexicaines, le roi d’Espagne avait en effet envoyé le capitaine Dupaix, accompagné d’un détachement de la cavalerie mexicaine, explorer la vallée de Mexico. Il avait déjà réalisé en 1794 un inventaire des monuments et objets antiques de Mexico. En acceptant ce mandat royal en 1804, Dupaix demande à être accompagné de José Luciano Castañeda (1774-1834), ancien pensionnaire de l’Académie Royale de San Carlos. Durant cette première expédition de janvier à mai 1805, les deux explorateurs parviennent à Tepeyaca, San Cristóbal, Amatlán de los Reyes, Santiago Guatusco et Huaquechula où ils découvrent des sculptures et des pyramides antiques que Dupaix décrit et Castañeda dessine. Ils doivent néanmoins mettre un terme à cette première expédition du fait des conditions climatiques difficiles. Ils en profitent alors pour communiquer leurs premiers travaux aux autorités le 17 janvier 1806.

Ils quittèrent une deuxième fois Mexico en février 1806 pour Antequera et Oaxaca. Ils s’arrêtèrent d’abord à Xochimilco où ils trouvèrent un ensemble de sculptures à formes humaines et animales impressionnantes par leur finesse et leur grandeur. Ils passèrent par Misquique et Tlamanalco pour observer des sculptures que Dupaix interpréta comme des idoles. Il les compara aux styles égyptien et grec. Ayant aussi voyagé en Italie, il fit référence aux œuvres antiques observées là-bas pour décrire les antiquités mexicaines. À Ozumba et Xonacatepec, Dupaix et Castañeda étudièrent des instruments et des outils, plusieurs pierres circulaires sculptées extraordinaires. Ils entrèrent également dans les constructions souterraines du plateau de Monte Albán, grâce à l’aide d’habitants de la région. Ils parvinrent finalement à Mitla où ils pénétrèrent dans quatre palais funéraires zapotèques qu’ils sont les premiers à documenter. Tlaxcala est leur dernière étape avant leur retour dans la capitale mexicaine en mars 1807.

La troisième et dernière expédition débuta en décembre 1807. Dupaix fut attaqué dès les premiers jours par des Indiens qui le pensaient Français, mais fut rapidement libéré. Il poursuivit sa route avec Castañeda et les dragons mexicains vers Oaxaca où ils découvrirent des armes antiques. Ils se rendirent enfin à Palenque, site maya qui constituait l’objectif de cette expédition. Là, ils découvrent des constructions pyramidales déjà signalées quelques années auparavant par Antonio del Rio. Dupaix est marqué par cet ensemble architectural, par les « geroglífico » (« hiéroglyphes ») et les sculptures qui l’accompagnent. Ils finissent par rejoindre Mexico au cours de l’année 1808. Dupaix ne remet les documents originaux au vice-roi Apodaca qu’en 1817 et meurt l’année suivante.

Durant les guerres qui désolèrent l'Espagne et le Mexique, ces dessins et les relations manuscrites restèrent entre les mains de Casteñada. Il les déposa ensuite au cabinet d'histoire naturelle de Mexico. En 1828, l'abbé Baradère, voyageur français, obtint du gouvernement la propriété des dessins de Castañeda et une copie du manuscrit de Dupaix. À Paris, Engelmann puis Thierry gravèrent les monuments, statues, armes et scènes animées d'après les dessins de Castañeda.

Cet ouvrage créa une grande sensation en Europe. Il révélait les beautés d'une civilisation perdue. De très rares exemplaires de présent, comme celui-ci, furent constitués : leurs planches furent aquarellées et on les relia avec splendeur. Cet exemplaire fut offert au comte de Chambord, héritier du trône de France. On connaît un autre exemplaire, pareillement relié, offert au roi de Hollande mais incomplet de cinq planches. Cet éloge d'une civilisation disparue ne pouvait pas rester sans écho dans l'Europe du romantisme. Les éditeurs décidèrent de joindre à la publication deux textes de l'un de ses plus grands représentants : Chateaubriand, le grand écrivain des civilisations perdues.

Le premier, intitulé "Extrait du voyage en Amérique par M. le comte de Chateaubriand" (Livraison XIII, page 80 du volume de texte), formait l'Avertissement de l'édition de 1827 de son Voyage en Amérique. Le second texte, en revanche, est pour la première fois publié dans l'ouvrage de Dupaix. C'est une Lettre aux auteurs de l'ouvrage des Antiquités mexicaines, datée du 10 septembre 1836. On entend la sombre voix des Mémoires d'outre-tombe :

"Quand j'ai vu les magnifiques édifices reproduits dans les Antiquités mexicaines, je les ai d'abord admirés, puis je suis tombé dans les réflexions mélancoliques que fait naître l'aspect de ces monuments pompeux qui, avant leur chute, dominaient les bois, et qui portent maintenant des forêts sur leurs combles écroulés". (Livraison XIV, page 86 du volume de texte).

On connaît aujourd’hui sept ensembles de dessins originaux. Six sont conservés dans des collections publiques. Le premier fait partie des collections de la Biblioteca Nacional de Madrid, le deuxième se trouve au Museo Naval, un troisième ensemble se trouve à l’American Philosophical Society de Philadelphia, un quatrième à la Biblioteca Nacional de Antropología e Historia de la ville de Mexico, un cinquième appartient aux collections de la Library of Congress de Washington (il est daté de 1824 et dédicacé au roi de Grande-Bretagne). Le sixième ensemble se trouve au Laboratorio de Antropologia de la Universidad de Sevilla. Le septième ensemble, daté de 1820 et largement incomplet puisque formé des deux premières expéditions (soit 122 dessins sur 166 planches au total), a été vendu aux enchères pour € 439.500 le 10 septembre 2018.

Ces sept ensembles sont tous des copies des manuscrits et des dessins primordiaux. On sait en effet que Dupaix avait l’ordre de remettre les résultats de ses travaux en trois exemplaires, comme la couronne espagnole l’exigeait pour tout document officiel. S’il a bien remis le rapport de sa première expédition en trois copies, il n’a remis que les originaux des rapports de la deuxième et troisième expédition et mourut avant de communiquer les doubles et triples. Or, les manuscrits et dessins de l’ensemble passé en vente en 2018 concernaient principalement les deux dernières expéditions. Prudent, Dupaix avait néanmoins transmis à son exécuteur testamentaire, Fausto de Elhuyar, les documents originaux avec l’instruction de réaliser les doubles et triples. À sa mort, Elhuyar commanda à nouveau trois exemplaires de chacune des séries de dessins avec leurs descriptions manuscrites correspondants à chacune des expéditions : deux destinés à la Cour comme convenu, un troisième pour compléter les documents de la première expédition. Il recommanda naturellement José Luciano Castañeda pour cette tâche. Ces copies autographes des dessins originaux furent remises au gouvernement de la colonie et au gouvernement espagnol, comme prévu. Cependant, l’indépendance mexicaine en 1821 créa un climat de troubles qui profita à Castañeda. Il décida d’organiser une vente aux enchères en 1824 dans laquelle il proposa les manuscrits et dessins qui sont en réalité propriété du nouvel État mexicain.

L’exemplaire royal du comte de Chambord, le seul aujourd’hui connu en coloris d’époque avec celui incomplet du roi de Hollande, constitue par conséquent l’un des témoins les plus remarquables de la redécouverte, au XIXe siècle, des civilisations perdues du Mexique.

BIBLIOGRAPHIE : Sabin 40038 -- Leclerc 1065 (signale sept feuillets liminaires accompagnant les planches de l'Amérique, ils ne se trouvent pas dans cet exemplaire) -- Palau 13069 -- Cerda Esteve ET A. Palop Martinez, J. "Nuevos documentos sobre las expediciones arqueológicas de Guillermo Dupaix por México." Revista española de antropología americana, n° 27, 1997 -- De Pedro Robles, A. E. "La Real Expedición Anticuaria de México (1805-1808), y la representación del imaginario indianista del siglo XIX" ? Anales del Museo de América, n° 17, 2009 -- Fauvet-Berthelot M.-F., López Luján L., Guimarães S. “Six personnages en quête d’objets”, Gradhiva, n° 6, 2007 -- Koch O., P. John Lloyd Stephens et Frederick Catherwood, Pioneers of Mayan Archaeology, Jefferson, 2013 -- Le Brun-Rucalens, F., López Luján L., Fauvet-Berthelot M.-F, Richard E. “Guillaume Joseph Dupaix (1746 – 1818) alias Guillermo Dupaix.” Archaeologia Luxemburgensis, n° 1, 2014 -- Miruna A., From Idols to Antiquity : Forging the National Museum of Mexico, University of Nebraska Press, 2017 -- Tripp, R. Romancing the Maya : Mexican Antiquity in the American Imagination. 1820 – 1915, University of Texas Press, 2009.