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[Indian miniatures]. [CUILLIER-PERRON, Pierre]

Album indien

Murshidabad, Inde de l’est, vers 1780

UN FRANÇAIS EN HINDOUSTAN.

RARE ALBUM DE PEINTURES DU BENGALE

Recueil de 41 grandes miniatures de l’école de Murshidabad.

Portraits d’empereurs moghols, scènes de cour et illustrations de ragamala, pigments et or sur papier, chaque peinture dans des marges brunes, certains empereurs identifiés en persan à l’or dans la marge supérieure, d’autres peintures identifiées à l’encre noire en persan et en français au revers, la série montée en album durant la première moitié du XIXe siècle, dans une reliure française en cuir brun à décor doré, intitulé « album indien », excellent état de conservation.

Liste
1. Aurangzeb âgé sur son trône
2. Humayun à la fenêtre jharokha (identifié en Persan comme Babur)
3. Babur à la fenêtre jharokha (identifié en Persan comme Humayun)
4. Akbar à la fenêtre jharokha
5. Jahangir à la fenêtre jharokha
6. Shah Jahan à la fenêtre jharokha
7. Farrukh Siyar à la fenêtre jharokha
8. Bahadur Shah I à la fenêtre jharokha
9. Timur à la fenêtre jharokha
10. Muhammad Shah à la fenêtre jharokha
11. Prince moghol sur son trône
12. Akbar sur son trône
13. Shah Jahan sur son trône
14. Farrukh Siyar sur son trône
15. Portrait en pied de Bahadur Shah I
16. Prince Moghol et courtisanes sur une terrasse, probablement Siraj al-Dawla, nawab de Murshidabad
17. Princesse fumant une huqqa sur une terrasse en compagnie des femmes du zenana
18. Princesse fumant seule sur une terrasse
19. Princesse à sa toilette peignée par sa compagne
20. Princesse jouant avec un enfant
21. Deux femmes dansant
22. Princesse et sa compagne admirant des fleurs écloses
23. Princesse et ses compagnes jouant avec un enfant
24. Joueuse de vina avec deux antilopes (todi ragini)
25. Princesse jouant avec un yoyo
26. Princesse et sa duègne
27. Aurangzeb âgé et un jeune prince
28. Couple princier à cheval
29. Princesse assise sur une branche accompagnée de servantes
30. Prince moghol sur son éléphant
31. Portrait en pied d’un prince moghol (Bahadur Shah ?)
32. Prince Moghol recevant la visite d’une jeune femme accompagnée par sa duègne
33. Princesse écoutant une joueuse de vina dans la nature
34. Femmes au bain
35. Empereur moghol (Farrukh siyar ?) et un dignitaire
36. Femme lisant une missive
37. Princesse assise tenant un sarpech
38. Femme sur une terrasse appelant un oiseau
39. Femme dansant au son du sitar
40. Femme fumant devant un pavillon, accompagnée d’une servante
41. Couple princier chassant avec un faucon, elle habillée en homme

PROVENANCE : Pierre Cuillier-Perron, dit le général Perron (1753, Luceau, Sarthe - 1834, au château du Fresne, Authon, Loir-et-Cher) -- Madeleine Cuillier-Perron (1801-1869), qui épouse d’Alfred de Montesquiou Fezensac (1794-1847) -- leur fille, Zélia de Montesquiou Fezensac (1818-1866), qui épouse François Lacuée, comte de Cessac (1812-1883) -- leur fille Louise Lacuée de Cessac (1842-1914), amie de Marcel Proust, qui épouse Roger de Brantes (1834-1875) -- Françoise de Brantes (1866-1935) qui épouse Abel comte Armand (1863-1919) -- comte Emmanuel Armand (1904-1986) -- sa fille, Diane Armand, baronne de La Chevrelière, actuelle possesseur

Excellent état des peintures

Pierre Cuillier-Perron, né fils de tisserand, débarque en Inde en 1780, désertant une frégate française sur la côte de Malabar, pour se hisser moins de deux décennies plus tard à la tête de l’armée marathie des Scindia. La carrière de Perron est décrite en détail par Herbert Compton dans A particular account of the European military adventurers of Hindustan from 1784 to 1803, qu’il commente ainsi : « lorsque l’on considère ce que Perron était un marin fugitif et ce qu’il est devenu- une personne exerçant une autorité souveraine sur l’Hindoustan [… ] il faut lui accorder tout le crédit d’une réalisation aussi grande qu’extraordinaire ».

L’année suivant son arrivée en Inde, en 1781, il entre au service du Rana de Gohad dans la région de Gwalior. En 1790, il est au service du Comte Benoit de Boîgne, le célèbre militaire savoyard alors à la tête de l’armée marathie de Mahadaji Scindia. Il succède à de Boigne en 1796 pour devenir commandant en chef de l’armée de Scindia- il est alors connu sous le nom de Général Perron. Il gagne plusieurs batailles à la tête de cette armée mais la seconde guerre entre les Anglais et les Marates (Second Anglo-Maratha War) de 1803 met fin à sa carrière. Il aurait correspondu avec Bonaparte dont il aurait inspiré les desseins indiens, mais aussi avec les officiers français postés dans les cours de l’Inde centrale et du sud, inquiétant beaucoup la Compagnie britannique des Indes orientales. En 1803, après la défection d’une partie de ses troupes, Perron se rend à Gerard Lake, 1st Viscount Lake, commandant en chef des troupes de la Compagnie, qui l’autorise à se rendre à Calcutta avec « sa famille, ses diamants et sa fortune ».

Une inscription à son nom datée de 1802 se trouve sur le bâtiment qu’il occupa à Aligarh, qui fait désormais partie de l’Aligarh Muslim University. La Gazette de Calcutta du 10 octobre 1805 recense la vente d’une autre résidence, « la maison à Chinsurah [près de Chandernagor], presque achevée et construite par le Général Perron, en départ vers l’Europe ». Les sources historiques mentionnent l’immense fortune amassée par Perron en Inde, estimée entre trois-quart de million et deux millions de livres sterling. Perron meurt en France en 1834.

Murshdabad et le Bengale

C’est durant le troisième quart du XVIIIe siècle que Murshidabad devient l’importante capitale des provinces du Bengale, Bihar et Orissa. Comme d’autres capitales provinciales de l’empire moghol, Murshidabad a attiré les artistes qui avaient fui Delhi après la mise à sac de la capitale impériale par les Afghans en 1739. L’école de peinture de Murshidabad se développe ainsi sous le règne du Nawab Aliverdi Khan (r. 1740-56) avant de fleurir sous le règne de ses successeurs Siraj al-Dawla (r. 1754-56), Mir Jafar (r. 1757-60 et 1763-65) et Mir Qasim (r. 1760-63). D’après Robert Clive « Clive of India », Murshidabad était « comparable à Londres pour sa taille et sa prospérité ». Les artistes y servaient une clientèle hindoue, musulmane et européenne.

Un style uni et cohérent s’y est développé, caractérisé par des visages aux yeux aux contours marqués et des personnages aux proportions tassées. L’école est surtout connue vers la fin des années 1750 et les années 1760 pour sa palette subtile mêlant l’argent, le blanc et le mauve. Plus tard, cette palette s’étoffe et devient plus brillante tel qu’on le voit dans cet album, probablement sous l’influence des artistes de Lucknow, capitale de la région voisine de Awadh.

L’Album

Perron a probablement acquis cet album lors de son passage au Bengale entre 1803 et 1805. De nombreux européens présents en Inde sont connus pour avoir collectionné l’art indien et grandement encouragé les artistes locaux. Parmi eux, Louis-Antoine Pollier, Claude Martin et Elijah et Lady Impey sont probablement les plus connus. Impey, Chief-Justice du Bengale, a ainsi donné son nom à plusieurs albums de peintures, notamment le « Impey Ramayana » au style si proche de nos peintures, exécuté à Murshidabad vers 1770-75 et acquis par Impey quelques années plus tard. Après vingt-cinq ans passés en Inde, Perron a probablement développé un goût pour l’art indien, à la manière de ses contemporains européens. Les peintures qu’il a acquises ont été préservées dans un état exceptionnel et nous parviennent telles que Perron a pu les admirer au début du XIXe siècle.

L’album contient plusieurs séries de peintures par différentes mains, suivant tous un style cohérent caractérisé par un usage généreux de l’argent et de l’or. On peut ainsi identifier une série de neuf portraits d’empereurs apparaissant à la fenêtre jharokha, de Babur à Muhammad Shah. Un autre série de quatre peintures montre les empereurs sur leur trône. D’autres peintures illustrent des souverains dans différentes situations, à dos d’éléphant, recevant un courtier, ou profitant des plaisirs de cour. Il y a par exemple un portrait du Nawab Siraj al-Dawla en compagnie de femmes de son harem. D’autres peintures montrent des femmes dans des palais, fumant la pipe à eau ou vacant à diverses occupations ; plusieurs évoquent clairement les peintures de Ragamala. Enfin, deux peintures montrent un couple à cheval qui semblent être des illustrations de la célèbre romance de Baz Bahadur et Rupmati.

Plusieurs peintures attribuées à Murshidabad et conservées dans des collections publiques permettent de dater notre album vers 1770-80.
· Prince dans son palais, daté vers 1760 (Estampes Reserves OD 41 4, f.9, Bibliothèque nationale de France, Paris).
· Le “Impey” Ramayana, vers 1770-75 (M.72.88.3, Los Angeles County Museum of Art)
· Vilaval Ragini, vers 1770 (IS.244-1951, Victoria and Albert Museum, London)
· Shiva, Parvati et Nandi, vers 1760-70 (D.375-1908, Victoria and Albert Museum, London)
· Ascète ou yogini, vers 1760-70 (MG8477, Musée Guimet, Paris)
· Shiva et Parvati sur le mont Kaylash, fin du XVIIIe siècle (MG8479, Musée Guimet, Paris)

BIBLIOGRAPHIE : 

Charles Edward Buckland, Dictionary of Indian Biography, 1906, New York, 1968 edition -- Herbert Compton (compiled by), A particular account of the European military adventurers of Hindustan from 1784 to 1803, 1892, London, 1976 edition -- William Dalrymple, The Anarchy, London, 2019- - William Dalrymple (ed.), Forgotten Masters, Indian Paintings for the East India Company, exhibition catalogue, London, 2019 -- Encyclopædia Britannica, 1911, Vol. 21 (11th edition), art. “Perron, Pierre Cuillier” -- Toby Falk, Mildred Archer, Indian Miniatures in the India Office library, London, 1981 -- Oliver Forge and Brendan Lynch, Court Painting from India, exhibition catalogue, London, 16-24 March 2023 -- Roselyne Hurel, Miniatures & Peintures Indiennes, Collection du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France, Paris, 2010 -- Stephen Markel with Tushara Bindu Gude, India’s Fabled City : The Art of Courtly Lucknow, exhibition catalogue, Los Angeles, 2011