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Peregrinatio in terram sanctam
“THE FIRST ILLUSTRATED BOOK OF TRAVEL EVER PRINTED” (FAIRFAX MURRAY)
LE PREMIER LIVRE DE PEINTRE CONÇU PAR L’ARTISTE EHRARD REUWICH, AUTEUR DES GRAVURES ET VÉRITABLE ARCHITECTE DE CE LIVRE GÉNIAL.
EXEMPLAIRE EN RELIURE DE L’ÉPOQUE DU PREMIER LIVRE ILLUSTRÉ AVEC DES PLANCHES DÉPLIANTES.
LES EXEMPLAIRES COMPLETS DE TOUTES LEURS PLANCHES, CELLE DE VENISE MESURANT PLUS D’UN MÈTRE ET DEMI, SONT RARES
Seconde édition latine. Première édition de Peter Drach, avec les gravures originales de l’édition de Mayence. Premier ouvrage dans lequel figure un alphabet arabe et un glossaire turc. Premier ouvrage avec des planches dépliantes. La première représentation d’une girafe
In-folio (313 x 210mm). Grande initiale “R” de 14 lignes gravée sur bois avec, au centre, les armes de Berthold von Henneberg-Römhild (1442-1504), archevêque de Mayence et Prince Électeur du Saint-Empire. Caractères typographiques : 10 :156G et 13 :80G. 52 lignes à la page. La marque typographique n’est pas imprimée à la fin, comme requis par Fairfax Murray (p. 175)
FILIGRANES : croix ou tête de taureau
COLLATION : a-n8 [LE cahier o n’existe jamais] [+ plan de Jerusalem en 6 feuillets] p10 : soit 120 feuillets (conforme à Fairfax Murray et au Gesamt Katalog)
CONTENU : a1r : blanc, a1v : frontispice, a2r : dédicace suivie du contenu, de la préface… , a6r : début du texte, g6r : début de la section sur les coutumes et manières, p10r : colophon : … impressum Anno salutis nostre Mcccc.xc. die. xxix. Julii finit feliciter
ILLUSTRATION et TIRAGE :
1. Frontispice allégorique au verso de la première page représentant la Vierge, Mayence (Fairfax Murray), ou la Serenissima, selon d’autres, point de départ des pèlerins, avec trois blasons
7 vues de villes représentant :
2. Venise dessinée a volo d’uccello depuis le sommet du clocher de San Giorgio Maggiore, imprimée sur 4 bifolium dépliants, réunis deux à deux, formant un très grand panorama (1680 x 305mm), et avec deux feuillets de texte imprimé au verso de l’image. TIRAGE : les deux colonnes de la Piazzetta San Marco présentent des hachures horizontales (et non diagonales) : caractéristique des bois originaux (Davies, p. xxiii), et non des bois regravés postérieurs
3. Parenzo ou Poreč (Croatie) sur une double page. TIRAGE : avec les caractéristiques des bois originaux signalées par Davies (p. xxiii)
4. Corfou, double page. TIRAGE : idem
5. Modon, imprimée sur deux bifolium dépliants formant un panorama plus petit (740 x 305mm), le verso de l’un des deux bifolium est imprimé et signé c3, l’autre est blanc. TIRAGE : idem. On remarquera que la représentation du navire au vent arrière évoque celle de Lettre de Colomb dans l’édition de Bâle de 1494.
6. Candie (Crète) imprimée sur deux bifolium dépliants formant un panorama plus petit (740 x 305mm), le verso de l’un des deux bifolium est imprimé et signé d1, l’autre est blanc. TIRAGE : idem
7. Rhodes imprimée sur deux bifolium dépliants formant un panorama plus petit (740 x 305mm), le verso de l’un des deux bifolium est imprimé et signé d3, l’autre est imprimé mais non signé (d4). On voit de nombreux moulins sur une jetée et un bateau se faire calfater. TIRAGE : idem
8. Jérusalem imprimée sur quatre bifolium dépliants formant un grand panorama (1270 x 310mm), le verso de l’un des deux bifolium présente une petite gravure du Saint Sépulchre (9), l’autre une grande gravure présentant les animaux rencontrés par les pèlerins (n8r) imprimée à pleine page (10)
TIRAGE : dans l’édition de Peter Drach à Spire en 1502, la planche des animaux est imprimée au verso d’une planche de Rhodes. Dans cette édition de Peter Drach en 1490, elle est imprimée au verso d’une planche de Jérusalem et les cornes de la girafe traversent la bordure. C’est la marque des gravures sur bois originales, alors qu’en 1502, les cornes ne touchent pas le cadre (Davies, p. 8). Pour la planche du Saint Sépulchre, qui selon Davies et Fairfax Murray n’apparaît pas en 1490, le tirage du titre montre en 1502 une gravure des caractères peu linéaire, ce qui n’est pas du tout le cas ici : la planche montre un titre parfaitement horizontal. Elle appartient bien à cette édition de 1490 et aux bois originaux (cf. : https://daten.digitale-sammlungen.de/~db/bsb00002034/images/index.html ?seite=222&fip=193.174.98.30). Le titre de cette grande planche (Civitas Iherusalem) correspond au tirage des gravures originales et non à celui de 1502 (cf. Davies, ill., pp. 26 et 27)
11. Église du Saint Sépulchre imprimée dans le texte. TIRAGE : celui de la gravure originale (cf. Davies p. 30)
12-17. 6 gravures imprimées dans le texte représentent les peuples rencontrés : arabes, juifs, grecs, syriens, abyssiniens et turcs
18-23. 6 gravures d’alphabets : arabe, hébreu, grec, syriaque, copte, éthiopien (l’alphabet arménien n’est pas requis dans cette édition, cf. Davies p. XXV)
SOIT EN TOUT 17 SUJETS DE DIFFÉRENTS FORMATS DUS AU DESSIN DE L’ARTISTE ERHARD REUWICH, ORIGINAIRE D’UTRECHT, QUI ACCOMPAGNAIT BREYDENBACH ET SES AMIS, auxquels s’ajoutent les gravures des 6 alphabets
RELIURE GERMANIQUE DE L’ÉPOQUE. Veau sur ais, décor estampé à froid, plats recouverts de croisillons de filets avec petits fers dans les compartiments, triple encadrement de filets, dos de peau de truie blanche, pièce de titre du XVIIIe siècle, fermoirs en cuivre incisé conservés
PROVENANCE : ex-libris gravé sur bois en pied de a2r avec : chiffre “DHI”, la date de 1509 et un blason au griffon, et nombreuses annotations marginales d’une ligne ou deux (vers 1500) -- citation de vers de Sénèque extraits de Thyeste au contreplat inférieur, à l’encre brune, par une main du XVIe siècle -- Librairie Thomas Scheler (1994) -- Bernard Malle
Comme souvent dans les récits de voyage, Bernard von Breydenbach (1440-1497) est à la fois l’auteur et le protagoniste de l’ouvrage. Ce haut dignitaire de l’archevêché de Mayence raconte son propre pèlerinage à Jérusalem. Le superbe frontispice gothique, aux ombres et volutes savantes, met en scène trois blasons situés autour des pieds de la Vierge protectrice des trois pèlerins : celui de Bernard von Breydenbach à gauche, celui du chevalier Philip von Bicken (1415-1485) et du jeune comte Johann von Solms-Lich (1464-1483, mort à Alexandrie), seigneur de Mintzenberg. Son frère Philipp von Solms (1468-1544) devait être l’un des grands conseillers de Charles-Quint et l’auteur d’une lignée qui devint Prince de l’Empire en 1792 et médiatisé en 1806. Albrecht Dürer dessina son portrait de profil en 1518 durant la Diète d’Augsbourg. Ce sont trois membres de puissantes familles de la vallée du Rhin qui entreprennent ce pèlerinage.
Le voyage des pèlerins commença le 25 avril 1483. Ils partirent d’Oppenheim, à quelques kilomètres au sud de Mayence, et arrivèrent à Venise quinze jours plus tard, où ils restèrent trois semaines et retrouvèrent d’autres pèlerins. Breydenbach et différentes sources permirent à H. Davies de reconstituer leur liste (op. cit., pp. iii-iv). Parmi eux, l’artiste Erhard Reuwich et le frère Prêcheur Félix Fabri. Ils étaient en tout à peu près cinquante, suffisamment fortunés pour payer chacun la somme de 42 ducats que leur coûta la traversée de la Méditerranée, de Venise à Jaffa. Les galères mirent les voiles le 1er juin 1483 arrivant le 3 à Parenzo, aujourd’hui Poreč en Croatie, qu’ils quittent le 4 pour atteindre Corfou le 12 juin. L’étape suivante est Modon, ou Methoni, à la pointe sud du Péloponnèse, le 15 juin. Ce port vénitien sera conquis en 1500 par les Turcs. Les navires atteignent Rhodes le 18 juin qui est longuement décrit par l’auteur. Quittant Rhodes le 22 juin, les pèlerins parviennent à Chypre le 26. Puis, c’est l’arrivée à Jaffa le 30 juin, moins d’un mois après avoir appareillé. Le 11 juillet 1483, les pèlerins entrent dans Jérusalem. Les nobles sont faits chevaliers du Saint Sépulchre à leur entrée dans l’église. Le groupe visite Bethléem le 15 juillet, Béthanie le jour d’après. Après avoir signé un contrat avec les gouverneurs musulmans de Jérusalem, ils vont à Sainte Catherine et sont sur les rives du Jourdain le 18. Le 26, des “payens” leurs permettent d’entrer dans la maison de sainte Anne transformée en mosquée. Seuls dix-huit vaillants pèlerins se décident à partir pour le second pèlerinage, celui vers le Mont Sinaï, au prix de 23 ducats, le reste du groupe retournant à Jaffa. Le départ a lieu le 24 août 1483. Breydenbach perd son argent dans le désert. Les pèlerins gravissent le Mont Sinaï et visitent le monastère de sainte Catherine le 27 septembre. Ils atteignent la Mer Rouge le 3 octobre, sont au Caire le 13 que Breydenbach décrit ainsi que les pyramides. Il est reçu par le sultan le 16 octobre. Puis le groupe descend le Nil jusqu’à Alexandrie où ils sont le 26 octobre. Le jeune comte de Solm y meurt. Le 30 octobre, ils signent un contrat de retour sur des navires appartenant à des vénitiens que Breydenbach trouve plus durs en affaire que les musulmans. Ils quittent l’Égypte le 15 novembre - bon nombre d’entre eux ayant été sérieusement malades en raison d’une eau du Nil impropre à la boisson - pour entrer triomphalement dans Venise le 8 janvier 1484, après bien des péripéties.
De nombreux groupes de pèlerins se rendirent en Orient au XVe siècle. L’intérêt principal de celui de Breydenbach est d’avoir été accompagné dès le début par un brillant artiste originaire d’Utrecht, Erhard Reuwich, connu par ces seules gravures sur bois et mentionné deux fois dans l’ouvrage (en a5v et l5v). Si, entre 1486 et 1522, douze éditions de la Peregrinatio furent publiées, seules importent celles qui présentent le tirage fait sur les gravures sur bois originelles de Reuwich et non à partir de leurs copies. Elles sont au nombre de six : trois à Mayence entre 1486 (11 février et 21 juin) et 1488 (24 mai, en flamand), une à Lyon en 1490 (18 février, en français), celle de Spire en 1490 par Peter Drach et finalement celle de Hurus à Saragosse en 1498 (espagnol). Après cette date, les illustrations furent regravées.
Ces grandes vues panoramiques de Reuwich se distinguent par leur remarquable qualité picturale, par leur précision topographique autant que par les anecdotes qu’elles racontent. Elles ont toutes été dessinées on the spot par Reuwich et ne sont en aucun cas des reconstitutions ou des interprétations d’autres images. À ce titre, la Perigrinatio est sans doute l’un des premiers livres de peintre. Elle est même davantage puisque Reuwich procéda lui-même à la première impression du livre à Mayence en 1486, en sorte qu’il est l’architecte du livre selon l’expression consacrée au champ du livre de peintre. Comme l’a souligné C. Dodgson au début du XXe siècle :
“Reuwich undertook the printing, and had the illustration cut on wood after his own drawings. The result was a truly epoch-making book far superior to any illustrated book of travels which had hitherto appeared containing large views of cities (…) and numerous smaller cuts of places, people, and animals, which the painter had drawn on his travels. This is the first instance in which a single painter is definitely known to have undertaken the illustration of a printed book. The instance was followed shortly by Wohlgemut at Nuremberg with the Nuremberg Chronicle” (Catalogue of Early German and Flemish woodcuts in the British Museum, I, D 20, pp. 225-226).
On soulignera pour finir l’extrême dangerosité rencontrée par de tels pèlerins sur leur route, et donc la fragilité originelle d’un tel ouvrage. Félix Fabri, frère Prêcheur, chapelain de Truchsess, qui accompagna Breydenbach, interrogea un jour Eberhard V de Wurtemberg (1445-1496), futur premier duc du même nom en 1496, parti pour Jérusalem en 1468. Il lui demanda conseil sur son éventuelle participation. H. Davies raconte qu’Eberhard de Wurtemberg lui répondit : “There are three things that one cannot advise upon, one way or the other : marriage, war, and the pilgrimage to the Holy Land. They all may begin well and end badly”.
ISTC ib01190000 -- Fairfax Murray, German, I, n° 93, p. 175 -- H. Davies, Bernhard von Breydenbach and his journey to the Holy Land 1483-84. A Bibliography. Londres, 1911, II, p. 5 et ssq. -- Goff B-1190 -- HC 3957* -- GW 5076 -- CIBN B-772 -- F. Timm, Der Palästina-Pilgerbericht des Bernhard von Breidenbach und die Holzschnitte Erhard Reuwichs, Stutgartt, 2006 -- Elizabeth Ross, Picturing experience in the early printed book. Breydenbach’s Peregrinatio from Venice to Jerusalem, Penn Univeristy Press, 2014
WEBOGRAPHIE : https://expo.bib.kuleuven.be/exhibits/show/peregrinatio_en/bestseller_en/woodcuts -- pour l’ouvrage de H. Davies : https://archive.org/details/bernhardvonbreyd00davi/page/n15/mode/2up -- pour l’exemplaire de 1502 incomplet de Munich qui permet de comparer la petite planche du saint Sépulchre : https://daten.digitale-sammlungen.de/~db/bsb00002034/images/index.html ?seite=222&fip=193.174.98.30