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Excursion à la Grande Chartreuse en montant par S[ain]t Laurent du Pont
SUPERBE OUVRAGE AVEC DE REMARQUABLES LITHOGRAPHIES EN NOIR SUR LA GRANDE CHARTREUSE D'APRES DES DESSINS DE JEAN-JACQUES CHAMPIN
In-folio (440 x 295mm). Vignette gravée sur la page de titre
et ILLUSTRATION : titre, notice de 8 pp. de texte par Félix Crozet (1800-1883) imprimé sur deux colonnes, 36 LITHOGRAPHIES IMPRIMEES EN NOIR à pleine page d'après les dessins de Jean-Jacques Champin et gravées par Arnout, Cuvillier, Jacottet, Tirpenne, Villeneuve, Hostein, Joly, Sorrieu, et une carte dessinée et lithographiée par Champin intitulée Position topographique de la Grande Chartreuse qui localise par un numéro chacune des 36 lithographies du livre. Toutes les serpentes originelles de papier rose ont été conservées
Cet ouvrage, l'un des plus beaux livres sur la Grande Chartreuse, a originellement paru en 1838 à Paris chez Adolphe Goupil et Henry Rittner. Il comprenait 8 pp. de texte imprimé et 36 vues lithographiées chez Rose-Joseph Lemercier. De même, ce tirage, diffusé à Grenoble par le libraire Évariste Prudhomme et non daté, présente la même collation que l'édition parisienne et les lithographies sont également imprimées chez Lemercier à Paris. Il date aussi de 1838.
Jean-Jacques Champin (1796-1860) était fils du maire de Sceaux. Dès 1815, il s'intéresse à un art encore nouveau, la lithographie (inventée en 1798) et produit ainsi en 1816 sa première lithographie, L'Église de Sceaux. Élève de Félix Storelli et de Jacques Auguste Regnier, admirateur de Jean-Victor Bertin, Champin se consacre principalement aux paysages historiques. Il entreprend à cette fin des voyages, depuis la visite de la Grande Chartreuse en 1823, les Pyrénées en 1825, jusqu'à l'Italie en 1830 et, en liaison avec Regnier, produit les Vues pittoresques des principaux châteaux et des maisons de plaisance des environs de Paris et des départements (parmi lesquelles le pavillon de chasse de Charles X au bord de l'étang de la Tour, dans la forêt de Rambouillet), en 1826, les Habitations des personnages les plus célèbres de la France depuis 1790 jusqu'à nos jours de 1831 à 1835, La Seine et ses abords en 1836, Paris historique. Promenades dans les rues de Paris (trois tomes en 1838).
Durant cette période de collaboration avec son maître Regnier, Jean-Jacques Champin est introduit dans le cercle parisien du Salon littéraire que tient à la bibliothèque de l'Arsenal celui qui en est l'administrateur à partir de 1824, Charles Nodier. Champin y rencontre Pierre-Jean David d'Angers, Honoré de Balzac, Eugène Delacroix, Marceline Desbordes-Valmore, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Victor Hugo, Alphonse de Lamartine, Franz Liszt, Prosper Mérimée, Alfred de Musset, Gérard de Nerval ou Alfred de Vigny. Charles Nodier est ainsi l'auteur de l'introduction à Habitations des personnages les plus célèbres de la France depuis 1790 jusqu'à nos jours. Champin y dessine, outre l'Arsenal, la maison de Victor Hugo rue Notre-Dame-des-Champs, celles d'Honoré de Balzac rue Cassini, du baron Gérard à Auteuil et de Juliette Récamier à Aulnay. Son Excursion à la Grande Chartreuse est l’un de ses livres les plus réussis.
Lors d'un colloque tenu au Musée Fabre à Montpellier en 2008, Maria Teresa Caracciolo (CNRS) a su réunir un certain nombre de témoignages littéraires sur la Grande Chartreuse à l'époque du romantisme :
"Partito d’Avignone, volli visitare la celebre Certosa di Grenoble, e per tutto spargendo lagrime andava raccogliendo rime non poche… ». Vittorio Alfieri fixait ainsi un souvenir de l’automne 1783, année funeste de l’histoire de sa vie, en évoquant avec son laconisme habituel la syntonie entre l’état douloureux de son âme, son inspiration poétique et le paysage âpre et émouvant qui entoure la Grande Chartreuse, au cœur du massif du même nom. Tout ce que la prose concise d’Alfieri ne dit pas, Jean-François Ducis l’exprima avec abondance de détails dans un texte à peu près contemporain, adressé le 11 juin 1785 à Alexandre Deleyre. Après avoir décrit le site sauvage et vertigineux de la Grande Chartreuse, le dramaturge conclut par ces mots : « C’est bien là que la vie n’est que l’apprentissage de la mort, mais la mort y touche aux cieux, c’est une porte qui s’ouvre sur l’éternité… », traduisant la vision mystique de la Nature qui fut propre à son temps. Quelques années plus tard, la Révolution allait porter un coup très dur à la Grande Chartreuse : réquisitionnée et vidée de ses collections d’œuvres d’art, l’abbaye fut désertée. En 1805, Chateaubriand y fut surpris par un orage, et la désolation des lieux nourrit l’inspiration de son récit. En 1806, la Grande Chartreuse était représentée par Taunay dans l’un de ses tableaux destinés au Salon, et en 1813, la reine Hortense effectuait le voyage, en compagnie de ses amis peintres, pour réaliser des croquis du site. Les visiteurs revinrent, de plus en plus nombreux, à partir de la Restauration et de la réouverture de l’abbaye en 1816. Visiteurs royaux, telle la Duchesse de Berry, qui put enfreindre la règle interdisant aux femmes de pénétrer dans les lieux, et assister à la messe des religieux ; et peintres voyageurs, tel Antoine-Laurent Castellan, de Montpellier, qui visita la Savoie en 1829 et dont un carnet de dessins témoignant de son passage à la Grande Chartreuse est reparu en 2002 sur le marché de l’art et a été acquis par le musée d’Aix-les-Bains. L’élève de Fabre savait-il qu’il emboîtait le pas d’Alfieri ? La question mérite d’être posée. L’année 1821 avait vu la parution du premier Voyage pittoresque à la Grande Chartreuse de Grenoble, orné des gravures de Constant Bourgeois, qui sera suivi d’autres publications illustrées, échelonnées entre 1736 et 1850 (le Guide du voyageur à la Grande Chartreuse contenant… une carte géographique et huit dessins lithographiés, Grenoble, 1836 ; l’Excursion à la Grande Chartreuse ornée de lithographies par 8 illustrateurs, Paris, 1838 ; la Notice historique sur la Grande Chartreuse avec cinq nouvelles vues, dessinées d’après nature et lithographiées par Champin, Paris, 1839). Enfin, en 1838, Stendhal apportait son propre témoignage : un passage des Mémoires d’un touriste, renouant avec l’écriture concise d’Alfieri mais laissant une large place au développement du récit et même à l’anecdote, évoque l’abbaye de la Grande Chartreuse et l’extraordinaire paysage montagneux qui l’environne. Les recueils illustrés et le texte de Stendhal précisent la connaissance des lieux : l’entrée du Désert, à Fourvoirie, les sommets qui entourent l’abbaye, aux noms poétiques (le Grand Som, le Charmant Som), l’abbaye elle-même, les chapelles perdues dans la verdure, les chutes du Guiers-Vif, les eaux calmes du Guiers-Mort, enfin le cimetière des moines, qui fait l’objet d’une halte pieuse, mais rapide. A la suite des travaux des hommes et grâce à leur curiosité, la « solitude terrible de saint Bruno » décrite par Ducis est devenue, dans le monde nouveau des années 1830, le but d’un tourisme bourgeois et éclairé." ("Une promenade de Vittorio Alfieri. La Grande Chartreuse dans la littérature et la peinture du temps de Fabre". https://museefabre.montpellier3m.fr/pdf.php/ ?filePath=var/storage/original/application/78b98ccf00a62bf0f3c6591c4a7c0e39.pdf)