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MISSON, Maximilien

Nouveau Voyage d'Italie. Avec un Mémoire contenant des avis utiles à ceux qui voudront faire le mesme voyage

La Haye, Henry van Bulderen, 1698

LA MEILLEURE ÉDITION DE L’UN DES PLUS GRANDS OUVRAGES SUR LE GRAND TOUR : LE VÉRITABLE “BAEDEKER” DE L’ITALIE AU XVIIIE SIÈCLE.
RAVISSANT EXEMPLAIRE À LA RELIURE ATTRIBUABLE À LUC-ANTOINE BOYET. RARE EN TELLE CONDITION

Troisième édition “beaucoup augmentée, & enrichie de nouvelles figures”

3 volumes in-12 (153 x 92mm). Titres imprimés en rouge et noir avec une vignette gravée sur bois imprimée au centre. Préface dédicatoire au comte d’Arran, avec ses armes gravées dans un bandeau, initiales et culs-de-lampe gravés sur bois
ILLUSTRATION : un frontispice allégorique daté 1698 et 75 PLANCHES gravées sur cuivre, dont 40 dépliantes, et un tableau hors-texte des différentes mesures d’Italie (t. III, p. 413). T. I : 28 planches dont 19 dépliantes ; t. II : 40 planches dont 19 dépliantes et 3 montrant chacune deux sujets ; t. III : 7 planches dont 2 dépliantes
RELIURES DE L’ÉPOQUE ATTRIBUABLES À LUC-ANTOINE BOYET. Maroquin rouge, décor doré, gros fleuron dans les angles, triple filets, dos à nerfs très ornés avec le petit fer au soleil en queue de chaque dos, tranches dorées sur marbrure
PROVENANCE : comte de Sinéty (ex-libris gravé ; voir Catalogue des livres anciens de choix, manuscrits et imprimés faisant partie de la bibliothèque de M. de Sinéty, Paris, A. Labitte, 1880 et 1882) -- Paris, 20 février 2015, n° 108

Petite déchirure restaurée à la p. 81 du t. I, l’une des planches du t. I mal reliée (p. 174)

Maximilien Misson (1650-1722), fils du pasteur de la petite cité normande de Sainte-Mère-Église, se destinait au pastorat et fit ses études à Genève. La Révocation de l’Édit de Nantes (1685) l’exila en Angleterre où il renonça à une carrière ecclésiastique pour devenir le précepteur d’un jeune aristocrate britannique : Charles Butler, comte d’Arran et troisième duc d’Ormond (1671-1758). De 1686 à 1688, ils voyagèrent trois ans durant à travers l’Europe. Les lettres envoyées au cours de ce Grand Tour sont la matière récrite du Nouveau Voyage d’Italie.

L’ouvrage paraît d’abord en deux volumes (1691 et 1694) puis enrichi d’un troisième volume en 1698. Il est rédigé sous la forme épistolaire, dépeint les particularités architecturales des villes visitées, les mœurs locales, les costumes, et même les systèmes fiscaux. L’édition de 1698 contient quarante-et-une lettres et ne se restreint pas à l’Italie, mais s’étend aussi à la Hollande, l’Allemagne, la Suisse et la Belgique. L’ouvrage a connu de nombreuses rééditions au XVIIIe siècle et a été traduit en anglais, allemand et hollandais.

Ce livre est un paradoxe à lui tout seul : destiné aux voyageurs d’une Italie catholique, il fut rédigé par un huguenot férocement antipapiste. Immense succès de librairie, le Nouveau Voyage d’Italie servira de vademecum aux voyageurs européens des Lumières, catholiques compris. L’Italie de Misson marquera les voyageurs des Lumières, comme par exemple le président de Brosses.

L’ouvrage se distingue des autres écrits sur l’Italie par une approche critique semblable à celle d’un Pierre Bayle. On n’y trouve aucune louange. Misson décrit ce qui lui semble mériter l’attention : églises, bibliothèques, arsenaux, châteaux, Trésors et cabinets de curiosités. Parmi ces derniers, il cite le cabinet de l’Université de Leyde, celui de M. Viati à Nuremberg, le château de l’Électeur Palatin à Neubourg, les cabinets d’Ambras et de Vérone font l’objet d’une description précise. Le texte est toujours très documenté - tant dans ses sources écrites qu’orales – et d’une lecture agréable. L’ironie discrète n’est pas le moindre charme du discours.

Le premier volume est consacré à la traversée de l’Allemagne. Les deux voyageurs entrent en Italie par le Brenner et Trente puis se rendent à Venise et Padoue, puis Lorette. Le deuxième traite de Naples, du Vésuve et de Rome. Le troisième voit l’itinéraire des deux voyageurs remonter vers la Savoie et la France. Puis, ils visitent Strasbourg et retournent à Venise pour le carnaval avant de visiter Modène, Reggio, Pavie et Gênes, Rome de nouveau, puis Lucques et Florence dont il décrit longuement les peintures principales (p. 220), de nouveau Gênes et Novi, etc. L’avis Au lecteur du t. III prévient que cette “description” du Grand Tour ne traitera ni de politique ni des “Bibliothèques”. Dans un texte délicieux, le protestant Misson s’excuse de ne pas détailler les merveilles des bibliothèques italiennes, n’ayant pu les examiner à fond :

“j’ai insisté à Milan pour voir un Anastase qui est assurément dans la bibliothèque de St Ambroise, & dans lequel je sais que se trouve l’histoire de la Papesse. Mais ayant été obligé de répondre à la question quid sentis de Fide Catholica ? C’est-à-dire de quelle religion êtes-vous ? Ou plutôt n’y ayant pas répondu, on m’a dit que ce manuscrit ne se voyait plus (…) Il faudrait enfin rencontrer toujours de vrais Bibliothécaires (…) au lieu qu’on a souvent affaire qu’à des espèces de concierges (…) qui ne font que bailler & rechigner”.

Misson remarque aussi que “la plupart des jeunes gens que leurs parents envoient en Italie sont des enfants qui n’ont encore ni goût ni discernement”. Ce guide s’adresse donc d’abord à ceux qui ont “quelque capacité”. De passage à Bologne, Misson précise que “vous pourrez acheter chez Giovanni Monti, & chez les autres libraires, un petit livre intitulé, Le Pitture di Bologna, où vous trouverez la liste de tout ce qu’il y a de peintures dans les palais, dans les églises et dans les autres lieux publics. Logez à San Marco, l’hôte est bonhomme et parle bien le français” (t. III, p. 225). Ce livre bien connu est celui de Carlo Cesare Malvasia publié pour la première fois en 1686 et fréquemment réédité. Ce t. III, sans doute le plus intéressant, propose aussi une remarquable “Liste alphabétique des palais de Rome qui sont les plus dignes d’être visités… on nomme les architectes” (pp. 249-257), une “liste de quelques-unes des églises dont l’architecture est la plus estimée, avec les noms des architectes, et par occasion quelques-uns des principaux tableaux” (pp. 260-269). Les pages 336 à 360 sont de nouveau consacrées au Vésuve. S’ajoutent des listes d’itinéraires italiens avec de complexes systèmes de classification des divers chemins, une liste des foires d’Italie avec leurs dates et leurs durées respectives, et celle des meilleurs marchands classés par ville : marchands de tableaux, d’estampes et de médailles, ou de parfums.
Les exemplaires du Misson, homogènes et aussi bien reliés que celui-ci, sont rares. La reliure, avec ce petit soleil en queue du dos, peut être attribuée à Luc-Antoine Boyet.
On notera que Misson, opposé à la doxa catholique, est dans ce guide un partisan du quiétisme dont les développements en Italie sont connus. Protestant, Misson apprécie les contestataires du catholicisme romain. De retour en Angleterre, il sera impliqué dans les prophéties et nombreuses extases mystiques des protestants cévenols réfugiés. Ils furent condamnés en 1707 par le consistoire des églises protestantes françaises établies en Angleterre. Misson se fit leur avocat dans un ouvrage très documenté : Le Théâtre sacré des Cévennes (1707).

BIBLIOGRAPHIE : 

S. Rossetti, Rome : A Bibliography from the Invention of Printing Through 1899, Florence, L. S. Olschki, 2004, n° 7094, ne donne pas de collation et précise que “the number of plates may vary from copy to copy” -- d’Ancona, Bibliografia del viaggi e delle descrizioni d’Italia, p. 103 -- Jeanne-Marie Métivier, “Luc-Antoine Boyet, relieur de l’imprimerie royale (1704-1723)”, Revue de la Bibliothèque nationale de France, 2002, 12, pp. 41-46