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LABORDE, comte Alexandre de

Voyage pittoresque et historique de l’Espagne

Paris, Pierre Didot l’aîné, 1806-1820

SUPERBE EXEMPLAIRE SUR GRAND PAPIER DE VÉLIN, RELIÉ POUR LE COMTE DE M***

ÉDITION ORIGINALE, bien complet du portrait gravé de Manuel Godoy qui manque à la plupart des exemplaires

4 volumes in-folio (590 x 440mm). Vignette gravée sur la page de titre de chacun des volumes
TIRAGE : exemplaire sur grand papier vélin
ILLUSTRATION : un titre-frontispice gravé par Georges Malbeste et Du Parc d'après Charles Percier, un portrait de Manuel Godoy, “le Prince de la Paix”, gravé par Jean-Baptiste Fosseyeux d'après André Benoit Steven, 2 cartes et 272 planches (60, 76, 80 et 56) gravées d'après les dessins d’Alexandre de Laborde, François Ligier et Jacques Moulinier
RELIURES DE L’ÉPOQUE SIGNÉES DE TESSIER (premier volume). Dos de maroquin rouge à grain long, dos longs ornés, plats de papier maroquiné, décor doré, chiffre couronné au centre des plats des deux premiers volumes, encadrement d’une roulette pour les deux premiers volumes
PROVENANCE : comte de M*** (chiffre sur les deux premiers volumes) -- puis, par descendance familiale

Le comte Alexandre de Laborde (1773-1842) s’exila à Vienne en 1789, à l’âge de dix-sept ans. Il s'engagea dans les armées contre-révolutionnaires tandis que son père, resté en France, était condamné à l'échafaud. Depuis Vienne, il voyagea en Suisse (où s'étaient réfugiées sa mère et sa sœur), en Angleterre, en Allemagne, en Hollande et en Italie. Il revint en France à la faveur du traité de Campo-Formio (1797) qui instaura un semblant de paix entre les puissances européennes. En 1797, Laborde effectua un premier voyage en Catalogne qui lui donna l’idée d’un grand ouvrage sur l’Espagne. En 1801, Laborde est attaché à l’ambassade de Lucien Bonaparte à Madrid. Il prépare un premier livre d'archéologie, Description d’un pavé en mosaïque découvert dans l’ancienne ville d’Italica (1802) et commence à travailler au Voyage pittoresque en Espagne. Laborde dirige une équipe d’architectes et de dessinateurs qui répertorient le patrimoine espagnol. Il fait réaliser des vues topographiques, des plans, des élévations, des détails de bâtiments, d’ornementations et de peintures. Laborde est dessinateur et graveur de ses propres ouvrages. On compte vingt-huit dessins de sa main dans le Voyage pittoresque en Espagne, et au moins cinq réalisés par Dominique Vivant Denon :

“Suivi d’une troupe de dessinateurs, artiste lui-même, Laborde parcourut la Péninsule entière, étudia toutes les villes antiques, dessina et mesura tous les monuments arabes, tous les édifices du Moyen Âge et de la renaissance, et classant sa récolte méthodiquement par provinces, par époques et par grandes séries de style ou d’influences, il réunit en quatre volumes une Statistique monumentale de l’Espagne [… ]. Pendant qu’on terminait les dessins, qu’on dressait les cartes, qu’on gravait les planches, il détacha de son livre, pour le publier séparément avec plus de détails, la Description de la mosaïque d’Italica, qui avait été découverte le 12 décembre 1799” (Paul Lacroix, Joseph de Laborde et ses fils, 1858, p. 9.)

Les premiers volumes paraissent en 1807. Son ami Chateaubriand (amant de sa sœur, Natalie de Laborde, épouse de Charles de Noailles) publie, dans le Mercure de France du 4 juillet 1807, un compte-rendu élogieux du Voyage pittoresque et historique de l’Espagne. Une phrase de cet article comparant l’Empereur aux tyrans les plus sanguinaires de l’Antiquité romaine, lui vaut d’être exilé hors de Paris : “lorsque tout tremble devant le tyran, et qu'il est aussi dangereux d'encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l'historien parait chargé de la vengeance des peuples”. Chateaubriand achète la Vallée-aux-Loups le mois suivant, en août 1807.

Le Voyage pittoresque et historique de l’Espagne est divisé en quatre parties : “La España romana” (Catalogne, Valence, Estrémadure), “La España árabe” (Andalousie, avec l'Alhambra et les palais de Grenade), “España gótica y medieval” (Pays basque, Aragon, Asturies, León), et “La España moderna” (Navarre, Aragon, Castille, en particulier Madrid). Certaines planches illustrant la Galice, les Asturies, le royaume de León, le Pays basque et Majorque n'ont jamais été réalisées.

Selon un prospectus publié à Madrid en avril 1806, l'ouvrage était prévu en soixante-dix fascicules de six planches chacun (420 planches en tout). Un an plus tard, l'éditeur parisien prévoyait “soixante ou soixante-dix livraisons… chaque livraison sera composée de trois feuilles de texte et de six feuilles de gravures” (Journal général de la littérature de France ou Répertoire méthodique des livres nouveaux, 1807, p. 142). L'ouvrage fut cependant achevé en quarante-huit parties (274 planches), les deux premières parties paraissant au printemps 1807, la troisième en 1812 et la dernière en juin 1820. Les souscripteurs avaient le choix entre des exemplaires imprimés sur papier ordinaire, sur papier vélin ou sur papier vélin avec les planches avant la lettre, chaque livraison coûtant respectivement 21, 36 et 60 francs.

Le Voyage pittoresque et historique de l’Espagne appartient aux grands livres de voyages, insufflés par l’épopée napoléonienne et l’esprit des Lumières. Ils furent réalisés avec beaucoup de soin, d'érudition et d'exactitude, comme les voyages de Choiseul-Gouffier, Saint-Non ou la Description de l’Égypte qui lui sont contemporains. Il constitue “l'ouvrage le plus magnifique, le plus étendu et le plus exact qui ait été publié sur l'Espagne jusqu'à cette date” (Millard).

Les quelques autres ouvrages que publia Alexandre de Laborde, dirigés, financés et en partie illustrés par lui, témoignent d’un esprit humaniste, aux goûts universels, autant curieux des chefs d’œuvre de l’Antiquité que de l’histoire et la géographie de son temps. Le retour en France après les tempêtes révolutionnaires s’accompagna chez Laborde de la découverte du paysage français qui, tout comme celui de l’Espagne, était à la fois historique et pittoresque. En 1808, il publia donc une Description des nouveaux jardins de France et de ses anciens châteaux : “le plus difficile est d’aimer son sort, quel qu’il soit, et d’y conserver de l’indépendance”. Suivirent Les Monumens de la France (1816-1836), un Voyage pittoresque en Autriche (1821-1822) et un Versailles ancien et moderne (1839). Alexandre de Laborde entreprit avec son fils Léon, en 1826, un long périple dans le Moyen-Orient. Il fut publié, en 1830, sous le titre du Voyage de l’Arabie Pétrée.

L’édition du Voyage pittoresque et historique de l’Espagne ayant duré plus d’une décennie, on ne trouve pas d’exemplaire de cet ouvrage ayant une provenance remarquable : ni dans le fichier Berès, ni dans les bases de données (Amex, ABPC, Gazette Drouot). La grande majorité des exemplaires rencontrés sont soit reliés en veau, soit en reliure postérieure, quand ils sont complets. Le portrait de Manuel Godoy, “le Prince de la Paix”, manque à la plupart des exemplaires, ce qui n’est pas le cas ici.

BIBLIOGRAPHIE : 

J.-C. Brunet, Manuel du libraire, III, col. 713 -- A. Monglond, La France révolutionnaire et impériale, VII, 244-258 -- Berlin Kat., n°2769 -- British Architectural Library (BAL), V, 3961 -- The Mark J. Millard Architectural Collection, I, 83 : "It was the most magnificient, extensive and accurate work published on Spain to that date" -- Paul Lacroix, Joseph de Laborde et ses fils, Paris, 1858
WEBOGRAPHIE : https://www.inha.fr/dictionnaire-critique-des-historiens-de-lart-actifs-en-france-de-la-revolution-a-la-premiere-guerre-mondiale/laborde-alexandre-de-inha/ -- Mercure de France, 1807, pp. 7 à 22 : https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k3817089q/f1.vertical